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András HOZNEK, Praticien Hospitalier |
En France, chaque année, une femme sur dix est touchée par une cystite. Vingt pour cent des femmes ayant eu une infection urinaire auront un nouvel épisode et 30% de celles-ci encore un autre épisode. On parle de cystite récidivante, lorsque le nombre annuel des infections dépasse trois épisodes.
La cystite est une infection de la vessie qui peut survenir isolément ou en association avec une infection d’un organe parenchymateux : prostate (prostatite), épididyme (épididymite), testicule (orchite) ou rein (pyélonéphrite).
Une cystite aiguë, lorsqu’il s’agit d’un épisode isolé chez une femme adulte par ailleurs en bonne santé, non ménopausée et non enceinte, est généralement considérée comme non compliquée.
Dans tous les autres cas, on parle de cystite compliquée et en particulier lorsque d’autres organes sont impliqués, lorsqu’ils existent des anomalies anatomiques ou certains comorbidités, en cas de cystite chez la femme ménopausée, chez une femme enceinte ou chez un homme.
La cystite récidivante est définie par une succession d’épisodes infectieux. De façon consensuelle, le nombre des épisodes doit être supérieur ou égale à quatre par an pour que l’on puisse établir ce diagnostic.
L’urine est normalement stérile. Néanmoins, les infections urinaires sont les plus fréquentes parmi toutes le infections bactériennes, car l’urine peut être un excellent milieu de culture.
La colonisation survient, lorsqu’un micro-organisme, le plus souvent d’origine intestinale atteint la vessie par voie ascendante et commence à se multiplier.
Néanmoins, la présence de bactéries ne signifie pas forcément infection. En effet, des germes peuvent être présents dans les voies urinaires, sans qu’il y ait une agression vis-à-vis des tissus. Dans ces cas, le sujet est asymptomatique. Pour décrire cette situation, actuellement on parle de colonisation ; le terme « bactériurie asymptomatique » a été récemment abandonné.
Lorsque les micro-organismes stimulent une réponse de l’hôte et entraînent une réaction inflammatoire, des signes cliniques d’infection apparaissent, le plus souvent sous forme de troubles mictionnels, douleurs. En absence d’infection d’un organe parenchymateux, la cystite n’entraîne pas de fièvre.
Pour des raisons de proximité anatomique, la majorité des infections vésicales est liée à l’Escherichia Coli qui fait parti de la flore intestinale physiologique. A elle seule, cette bactérie est responsable de 75 à 90% des cystites. D’autres microbes peuvent être mis en cause : Entérocoques, Proteus, Klebsielle, Pseudomonas, Staphylocoque saprophyticus, Streptocoque etc.
Une étape essentielle de l’infection est l’adhérence bactérienne à la muqueuse vésicale. Certains micro-organismes et en particulier l’Escherichia coli possèdent des adhésines matérialisés par des pilosités à leur surface.
Le volume du flux urinaire joue un rôle essentiel. Plus la diurèse est importante, plus les éventuels micro-organismes se retrouvent dilués. En plus, si les mictions sont plus fréquentes suite à un remplissage vésical rapide, les germes sont expulsés avant de pouvoir se multiplier. En pratique, la diurèse optimale doit dépasser 1.5 litres par jour, les vidanges doivent être régulières et complètes environ toutes les trois heures. Bien entendu, l’existence d’un résidu post-mictionnel et tout autre type de stase urinaire (cystocèle, diverticule de vessie, ureterocèle, hydronéphrose) constitue un « réservoir » et représente un terrain de prédilection à l’infection urinaire.
Des facteurs génétiques jouent aussi un rôle dans la prédisposition aux infections urinaires. Les femmes qui ne secrètent pas d’antigènes de groupe sanguin expriment sur leur cellules urothéliales du sialosyl galactosylgloboside qui correspondent aux sites d’adhésion des pilosités de l’Escherichia coli (1).
La faible longueur de l’urèthre favorise la colonisation de la vessie par voie ascendante en particulier lors des rapports sexuels.
Le prolapsus qui peut entraîner une mauvaise vidange de la vessie prédispose également à l’infection.
Lors de la grossesse, la compression extrinsèque des uretères par l’utérus entraîne une stase urinaire dans l’uretère et les cavités pyélocalicielles.
Chez l’homme jeune, les infections vésicales sont exceptionnelles grâce à la longueur plus importante de l’urèthre et aux secrétions prostatiques. En revanche, chez l’homme plus âgé, un adénome ou un cancer prostatique associé à un résidu constitue un terrain favorisant les infections.
Une mauvaise vidange vésicale, consécutive à une vessie neurologique peut être à l’origine la stase urinaire. Chez le diabétique, la présence de glucose dans les urines représente un excellent milieu de culture pour les microbes.
Les cystites ne sont typiquement pas accompagnées de fièvre. L’apparition de fièvre fera rechercher l’implication d’un organe parenchymateux : le rein (pyélonéphrite), la prostate (prostatite) ou le testicule et ses annexes (orchido-épididymite). Il s’agit d’infections graves, pouvant entraîner une septicémie avec ou sans phénomènes de choc.
La cystite est caractérisée par la présence de troubles mictionnels sous forme de pollakiurie, impériosités, brûlures mictionnels, douleurs suspubiennes. Une hématurie ou des urines troubles, malodorantes sont fréquemment associées.
L’élément essentiel du diagnostic est l’examen des urines de milieu de jet.
Contrairement à un premier épisode de cystite simple où une bandelette urinaire est suffisante, la clef du diagnostic est l’examen cytobactériologique des urines. En effet, la récidive peut être liée à la résistance aux antibiotiques prescrits à titre empirique.
L’ECBU permet d’affirmer une infection lorsqu’une bactériurie monomicrobienne est présente avec un nombre de colonies supérieur à 104/ml, associé à une leucocyturie significative, c'est-à-dire supérieure à 10 000/ml. La présence de plusieurs espèces de germes est souvent en rapport avec une contamination, dans ce cas, l’ECBU doit être refait, si possible par sondage vésical.
Il faut être extrêmement prudent face à une patiente qui présente des signes de cystite sans que l’ECBU soit positive. Dans ce cas, il faut en premier lieu éliminer une tumeur de vessie ou un carcinome in situ ; d’autres pathologies tels que la cystite interstitielle ou cystite radique peuvent également expliquer les symptômes.
Souvent, les cystites récidivent, car on a omis d’identifier leur étiologie. L’infection qui récidive malgré l’efficacité initiale du traitement antibiotique doit faire évoquer la présence d’un réservoir bactérien, tel qu’une lithiase, une anomalie anatomique ou fonctionnel surtout si elle est responsable d’une stase urinaire. Souvent, c’est un foyer gynécologique qui explique la re-infection de la vessie. Dans ces situations, un bilan radiologique (échographie, ASP, urographie intraveineuse, rectocolpocystogramme) ou endoscopique (cystoscopie) adaptée au tableau clinique peut s’avérer nécessaire.
En premier lieu, l’interrogatoire vérifiera le respect d’un certain nombre de règles d’hygiène. Les cystites récidivantes sont souvent déclenchées par les rapports sexuels. Si une telle relation cause à effet peut être démontrée, on conseillera d’abord à la patiente d’uriner après chaque rapport. Si cette mesure s’avère inefficace, une antibioprophylaxie après chaque rapport est recommandée(2).
La consommation abondante de boissons augmente le flux urinaire qui aura pour effet une diminution de la charge bactérienne. La patiente est aussi incitée à ne pas se retenir trop longtemps et à uriner dès que le besoin se ressent.
L’irrigation vaginale doit être proscrite de l’hygiène génitale. On s’assurera également que la patiente respecte le sens d’essuyage après les selles qui doit se faire d’avant en arrière.
Chez les femmes ménopausées un traitement hormonal substitutif (le plus souvent local) peut se discuter.
Dans le cadre des cystites récidivantes, chaque nouvelle crise doit être traitée en préférant un traitement « long » de 5 à 7 jours. En effet, il a été montré qu’un traitement long est plus efficace dans ce contexte que le traitement court ou le traitement minute prescrit habituellement pour les cystites aiguës simples(3).
Le traitement de la crise de cystite est plus optimal, lorsqu’il est débuté de façon précoce(4). Aussi, certaines patientes coopérantes peuvent être encouragés à une auto-médication de courte durée sur prescription médicale (« self-start treatment »). Le principe est d’avoir des antibiotiques en avance et de démarrer le traitement dès que les premiers symptômes sont ressentis.
Une fois la crise aiguë passée, il est logique d’envisager une stratégie de prévention des récidives. L’efficacité d’une antibiothérapie prophylactique prolongée à petites doses à prendre au coucher a maintenant été bien documentée(5). Globalement, la fréquence des récidives est divisée par huit par rapport à la période précédent traitement. La durée du traitement est d’au moins 6 mois, quelquefois un an. Néanmoins, à l’arrêt du traitement deux tiers des femmes récidivent dans les 3-4 mois.
Selon les recommandations du Comité d’Infectiologie de l’Association Française d’Urologie, mise à jour en 2007, plusieurs protocoles sont envisageables.
Les vertus anti-infectieuses de la canneberge (nom latin : vaccinium macrocarpon) sont depuis longtemps connues. La grande majorité de la production est issue du nord des Etats-Unis et du Canada. Le fruit de cette plante a été depuis longtemps consommé et a fait parti des remèdes populaires pour soigner les « gênes urinaires » et pour « désodoriser » les urines chez les incontinents.
Récemment, la molécule responsable des propriétés antibactériennes a été identifiée. Il s’agit d’un type particulier de tannin : la proanthocyanidine de type A (PAC). En se fixant sur les filaments d’adhésines, et plus particulièrement sur ceux de l’Escherichia coli (P-fimbriae), les PAC de la canneberge empêchent les bactéries d’adhérer à la muqueuse vésicale. Ainsi, ces bactéries sont naturellement éliminées avec la miction. La quantité de canneberge absorbée est fondamentale, elle doit dépasser 36 mg par jour. On recommande aux patients deux prises quotidiennes, la durée de la cure est de 3 mois à un an ou plus. L’efficacité a été statistiquement prouvée (7).
L’objectif du suivi est de s’assurer de la maîtrise des facteurs déclenchants tels que les habitudes mictionnelles et sexuelles, l’hygiène locale. La diurèse est évaluée par catalogue mictionnel. Chaque récidive doit être documentée pour identifier une éventuelle résistance antimicrobienne Il est aussi indispensable d’éliminer toute autre cause organique pouvant être à l’origine des infections récidivantes.